Interview avec Charles Pétillon
La nature qui semble s’étendre à l’infini ; une voiture laissée à l’abandon, toute couverte de rouille ; une banal tobbogan ; une myriade d’objets blancs installés au sein de paysages statiques aux couleurs nettes. À l’instant où l’on se rend compte qu’il s’agit de ballons, on reste perplexe.
Ces ballons nous rappellent cet instant où, encore enfant, on avait lâché celui qu’on tenait dans notre main pour le laisser s’envoler. Cependant, dans les photographies de Charles Pétillon, ces objets blancs qui envahissent le paysage, comme des cellules qui se diviseraient et prolifèreraient encore et encore, font naître une gêne dans nos candides souvenirs d’enfants.
Son monde, ce sont des œuvres provocatrices belles à couper le souffle mais viennent en même temps lentement déconstruire et déstabiliser la perception que nous avons d’un quotidien immuable et permanent et celle de nos souvenirs.
Charles Pétillon, photographe et artiste français, né en 1973, a débuté sa carrière en tant qu’éditeur en collaboration avec Numéro, Vogue Russia et Muse Magazine. Ses œuvres ont été présentées à l’occasion d’expositions dans de grandes galeries et dans des musées à Paris, New York, Shanghai, Londres, etc.
■Comment qualifieriez vous votre art ?
– Celui de la photographie lorsque les installations sont créés uniquement pour les photographies (la photographie est la seule trace de l’installation)
– Celui de la sculpture pour les installations pérennes.
■Qu’est-ce-qui est le plus important pour vous permettre de créer et dans votre travail en général ?
Cette question est très intéressante car je ne me l’étais jamais posée et personne ne me l’avait déjà posée. J’ai donc pris le temps d’y réfléchir.
Finalement, et à la lumière des événements planétaire actuels (Covid 19) l’espace est quelque chose de déterminant dans ma création, je veux dire l’espace de travail, (mon atelier). Je pensais que ma liberté de mouvement était quelque chose de fondamental, mais je me suis rendu compte que je pouvais rester chez moi des jours et des jours car mon atelier me permet de travailler, d’expérimenter sans cesse. Il est même le prolongement de mon art.
■Quelle sont vos sources d’inspiration ?
J’essaie d’aborder des sujets que nous côtoyons sans y porter nécessairement de l’attention dans notre vie quotidienne. Il peut s’agir d’architecture, d’objets de consommation, de thèmes de société, de thèmes philosophique.
■Pourquoi est-ce que vous avez choisi ce moyen d’expression?
L’usage des ballons est intéressante car elle met en opposition la délicatesse et la fragilité de ce médium avec la rugosité des lieux des installations. Le ballon est un objet universel, il est simple, accessible et on en connait les dimensions, proportions. La couleur blanche s’est imposée dès le départ car elle n’est ni riche, ni pauvre et évoque le repos et une forme de tranquillité. La blancheur renforce l’opposition, le contraste et l’absurdité avec les matériaux du lieu de prise de vues.
Charles Pétillon et le Japon
■Est-ce que vous aimez le Japon?
Je n’ai eu qu’une seule occasion de m’y rendre, et cela pour créer une installation à l’ambassade de France dans le cadre du festival « Bonjour France ». Je n’ai donc pas eu l’occasion de visiter le Japon, j’ai simplement eu 3 jours pour visiter Tokyo. J’aimerais beaucoup y retourner afin d’y découvrir cette culture fascinante.
■Est-ce que vous avez des expériences ou des souvenirs particuliers sur le Japon?
Ce qui m’a le plus marqué à Tokyo, c’est l’usage de l’espace. Pas un centimètre carré n’est gaspillé, mais je n’ai pas eu le sentiment d’oppression et de compression de l’espace. L’usage du béton dans l’habitat est vraiment remarquable par sa qualité et son intégration. Mais pour un français, l’élément le plus déroutant est la quasi absence d’architecture ancienne, hormis les temples. (j’ai compris par la suite que c’est liée aux règles d’urbanisme très strictes)
■Est-ce qu’il y a des artistes ou des œuvres d’art japonais qui vous intéressent ?
Oui, j’apprécie énormément Tadao Ando, Shoji Ueda, Chiharu Shiota, Sori Yanagi, Oki Sato….
■Comment voyez-vous les artistes japonais et leurs œuvres?
Lorsque vous voyez la liste non-exhaustive des artiste cités (à l’exception de Chiharu Shiota), et quelque soit leurs pratiques artistiques, elles sont toutes caractérisées par la pureté, la clarté, la délicatesse.
■Pensez-vous qu’il existe des différences entre l’art français et l’art japonais?
Oui, bien sûr, c’est évident en raison de la culture entre autre.
■Avez-vous prévu d’exposer prochainement ou d’autres activités?
J’ai une exposition actuellement à Orléans jusqu’au 23 août (Collégiale Saint Pierre le Puellier) La prochaine exposition à Paris se tiendra à la galerie Graf du 21 septembre au 13 janvier.
http://www.charlespetillon.com/
(Texte : Ayami Ijima / Traduit du japonais : Wiktor Ziolkiewicz)