Une galerie aux murs blancs,l’atelier d’un artisan, qui exécute passionnément son travail, une maison japonaise où l’on a été invité à souper …
Nous admirons calmement les œuvres céramiques qui y ont été exposées. Ces lieux sont propices, à nous plonger dans un état d’esprit qui nous incite consciemment ou inconsciemment, à les aimer . Le street artist Pablo Savón a bousculé cette pensée.
Dans les rues de Paris, sur les murs tels des graffitis, ses œuvres y sont fixées. Dans la rumeur de la ville nous tombons sur ses céramiques, et notre regard est captivé.
La forme ressemble à des graffitis, mais lorsque l’on s’approche apparaissent devant nos yeux, des motifs en céramique élaborés selon des techniques traditionnelles coréennes et japonaises. Le graffiti peint sur un mur, la céramique y est installée, sans permission du propriétaire. Un même acte de vandalisme artistique et d’expression de soi accompli. Lorsque l’on se trouve face à cela l’on conscientise la différence tangible qui existe entre le graffiti et la céramique.
Le street art nous offre une autre vision de la ville, en l’observant par son prisme il lui offre une perspective plus dynamique. De métier d’art traditionnel, la céramique prend ici une toute autre valeur, elle vit avec la ville. Pablo Savón suspend ainsi ses œuvres à la frontière de l’art et du vandalisme.




■Comment est né votre art ?
Je m’appelle Pablo Savón et je suis street artiste céramiste. J’ai grandi à Asnières en banlieue parisienne. Après un bac scientifique, j’ai fait une licence en histoire de l’art et philosophie à la Sorbonne que j’ai finalement arrêté pour faire une Mise à Niveau en Arts Appliqués puis un BTS de concepteur en art et industrie céramique à l’ENSAAMA Olivier de Serres.
À l’âge de 10ans ma mère m’a inscrit à un trimestre de cours de modelage sans me prévenir. Ce qui est drôle c’est que j’ai détesté le premier cours. Puis j’y suis retourné et j’ai finalement vite trouvé une nouvelle passion avec la céramique. C’est comme ça que mon initiation à la terre a debutée. Dans ma carrière professionnelle, il y a le passage à Hosier Lane en 2016, un quartier de Melbourne entièrement tagué, qui a son importance. C’est là que mon regard sur le graffiti a complètement changé et que j’ai eu cette idée de mélanger ces deux univers : la céramique et le graffiti.
Puis en 2017 j’ai fait mon premier graffiti sur un mur dans Paris : la moitié au marqueur et l’autre en céramique. Quelques jours après la partie au marqueur avait été complètement repeinte tandis que celle en céramique était restée intacte. C’est là que j’ai compris que je soulevais quelque chose d’intéressant notamment sur la perception de la céramique dans l’espace public et sur cette frontière entre l’art et le vandalisme.
■Comment qualifieriez vous votre art ?
À partir du moment ou je colle mes céramiques sur des murs, le terme d’art mural a du sens. Je fais de la céramique urbaine.
■Qu’est-ce-qui est le plus important pour vous permettre de créer et dans votre travail en général ?
Mon four céramique. C’est de loin l’élément le plus important pour chaque céramiste, c’est lui qui nous permet de créer et de s’exprimer. C’est lui qui est responsable de nos échecs ou de nos réussites.


■Quelle sont vos sources d’inspiration ?
La céramique est le premier art du feu, elle a donc une histoire tellement riche et profonde que les sources d’inspirations sont multiples. Dans mon travail je m’efforce à allier tradition et modernité, je m’intéresse donc beaucoup à l’histoire de l’art de la céramique. Le mouvement graffiti est quand lui un art bien plus jeune mais également riche, je m’inspire de ce que je peux voir dans la rue, de lignes, d’un mouvement, de couleurs, etc. Pour moi une artiste doit être une éponge, il doit s’imprégner de tout son environnement.
■Pourquoi est-ce que vous avez choisi ce moyen d’expression?
Mon premier rapport à l’art à débuté à 10ans avec la céramique, je ne l’ai jamais quitté depuis.

■Quel est votre projet préféré et pourquoi est-il si spécial?
J’aime beaucoup mon projet graffitea qui symbolise vraiment le contraste dans ma démarche. Mais le projet le plus abouti est celui que je développe actuellement avec mes graffitis qui s’emboitent.
■Qu’est-ce que vous souhaitez mettre en avant dans vos projets? Quelles valeurs défendez-vous?
Je souhaite apporter un regard différent sur la céramique et le graffiti. Montrer toute la diversité et la profondeur de l’art céramique qui est bien trop souvent limité à la poterie artisanale. Interroger la frontière entre l’art et le vandalisme.

Pablo Savon et le Japon
■Est-ce que vous aimez le Japon?
Oui, depuis que j’y suis allé en 2019 je n’ai qu’une envie c’est d’y retourner.
■Est-ce que vous avez des expériences ou des souvenirs particuliers sur le Japon?
J’ai réalisé une oeuvre avec en arrière plan le Mont Fuji, j’en suis très fier.
C’est pour un projet d’expo ou j’aimerai faire 10 graffitis dans 10 pays différents. J’ai été également surpris par le nombre de galerie céramique au Japon j’ai du en faire une cinquantaine sur 15 jours de voyage, un bonheur.


■Est-ce qu’il y a des artistes ou des œuvres d’art japonais qui vous intéressent ?
J’aime beaucoup le travail de Iwamura EN, je l’ai d’ailleurs rencontré lors de mon séjour à Kyoto. C’était une belle rencontre. Ensuite j’admire les potiers japonais dans leur ensemble, chaque bol réalisé à une âme. Chaque bol dégage quelque chose, c’est impressionnant.


■Comment voyez-vous les artistes japonais et leurs œuvres?
Le Japon c’est le pays de l’artisanat. Le pays du savoir-faire et du perfectionnement du geste. Ça me rend très admiratif.

■Le mot de la fin?

Pablo Savón, street artist et céramiste, a grandi à Asnières en banlieue parisienne. Après un baccalauréat scientifique, il entame une licence en histoire de l’art et philosophie à la Sorbonne. Il finit par abandonner pour faire une Mise à Niveau en Arts Appliqués, puis un BTS de concepteur en art et industrie céramique à l’ENSAAMA Olivier de Serres.
(Texte : Ayami Ijima / Traduit du japonais : Wiktor Ziolkiewicz)